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Alimentation du cheval : les bases pour comprendre (1/2)
Comment optimiser le régime alimentaire du cheval ? Nous faisons le point dans ce dossier en deux parties sur les paramètres clés de l’alimentation du cheval, avec l’aide précieuse du docteur vétérinaire équin Cyrille David, spécialiste de la nutrition équine chez notre partenaire, Laboratoire Reverdy. Ce dossier vous permettra d’acquérir les bases indispensables à une relation cavalier-cheval informée et donc de qualité.
PARTIE 1 : LES BASES POUR COMPRENDRE L'ALIMENTATION DU CHEVAL
Les chevaux ont évolué durant des millions d’années sur de grandes étendues enherbées. L’évolution de leur système digestif s’est faite au contact de ce milieu. Une flore microbienne très spécifique s’est progressivement constituée et leur a permis de valoriser des repas contenant principalement des fibres. Au fil du temps, les chevaux ont conservé cette capacité à digérer des quantités importantes de fourrages pour subvenir à leurs besoins nutritionnels. Aujourd’hui, la vie du cheval en écurie conduit à la distribution de rations contenant des quantités importantes de céréales et de compléments dans le but d’optimiser la croissance et la performance du cheval. Il est néanmoins important de garder en tête les éléments de base d’une alimentation du cheval saine et équilibrée.
L’importance des fibres dans l’alimentation du cheval
Les végétaux consommés par les chevaux à l’état naturel sont constitués de fibres qui sont résistantes aux enzymes digestives produites par le cheval. On en distingue deux types : les fibres insolubles (cellulose, hémicellulose et lignine), présentes dans le foin et la paille, sous forme de luzerne, avoine et paille de blé, et les fibres solubles (pectines, mucilages, gommes) sous forme de graines de lin extrudées, de carottes ou de pulpes sèches de chicorée.
Quel est l’intérêt nutritionnel des fibres pour le cheval ?
- Un rôle clef dans l’hygiène mentale du cheval
Le cheval est par nature un animal inquiet et hypernerveux qui a psychologiquement besoin de se sentir rassasié. La prise alimentaire est pour lui un facteur d’occupation et de tranquillisation. L’ennui occupe une grosse partie de la journée des chevaux vivant en box. C’est une cause majeure d’apparition de désordres psychologiques généraux ainsi que de troubles du comportement alimentaire chez le cheval. Les fourrages sont très intéressants pour combattre l’ennui surtout quand ils sont disposés dans des filets. Ces derniers obligent le cheval à consommer le foin petit à petit, brin après brin, ce qui prolonge encore le temps d’ingestion et donc d’occupation.
- Un élément clé pour la flore intestinale
L’apport de fibres permet le maintien d’une population de bactéries bénéfiques qui empêchera la prolifération dans l’intestin du cheval d’autres bactéries potentiellement dangereuses pour le cheval.
- Un effet de lest et de motricité intestinale
Il est inversement proportionnel à la digestibilité des fibres. Les fibres non digestibles augmentent le volume du contenu digestif, et donc stimulent la motricité intestinale et limitent les risques de déplacements voire de torsions des multiples anses intestinales. Il s’agit donc d’un facteur primordial d’hygiène digestive assurant la prévention des troubles digestifs, comme les coliques.
- Un effet tampon, clé dans la prévention des ulcères gastriques
La sécrétion acide est continue dans l’estomac des chevaux, qu’ils aient été nourris ou pas. Le pouvoir tampon intrinsèque élevé des fourrages associé à la production importante de salive qu’ils engendrent, permettent de neutraliser l’attaque acide. Avec l’herbe ou le foin, la quantité de salive produite est deux fois plus importante qu’avec un repas de céréales. Si du foin n’est pas mis à disposition des chevaux entre les repas, des périodes de jeûne prolongées peuvent survenir, notamment la nuit. Or, le jeûne fait rapidement chuter le pH gastrique (c’est à dire qu’il devient très acide) et entraîne une exposition prolongée de la muqueuse squameuse au contenu acide. Lors d’un manque de fourrages, l’acidité produite en continu dans l’estomac n’est pas tamponnée d’où la chute rapide du pH, entrainant la formation d’ulcères en quelques jours au niveau de la muqueuse squameuse. De plus l’estomac vide du cheval peut générer un reflux d’acides biliaires qui, associés à l’acide chlorhydrique, sont très corrosifs pour la muqueuse non glandulaire.
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Quels apports recommandés en fibres ?
Les besoins journaliers minimaux sont estimés à environ 15-18 % de la ration totale (aliment + fourrages). Idéalement, pour les chevaux vivant au box, les fourrages devraient être distribués à volonté sous forme de foin de graminées. Si ce n’est pas possible, il est conseillé de procéder ainsi :
- Utiliser de la paille comme litière. Cette pratique permettra d’éviter tout déficit en fibres, avec les conséquences qui en découlent expliquées plus haut
- Ajouter du foin plusieurs fois par jour. Les recommandations vont de 1 à 2 kg de foin pour 100 kg de poids vif du cheval par jour sauf pour la poulinière en lactation et le jeune poulain en croissance pour qui l’ingestion journalière peut aller jusqu’à 2,5 kg pour 100 kg de poids vif.
Cependant, la bonne santé du cheval étant directement liée à un apport suffisant de fibres, nous recommandons de distribuer au moins 1,5 kg de foin pour 100 kg de poids vif par jour soit 7,5 kg de foin minimum par jour pour un cheval de 500 kg.
Attention, la mise à l’herbe n’est pas une panacée
La production d’herbe est très inégale et s’ajuste mal aux besoins des chevaux. Elle est trop abondante au printemps, même pour des juments en gestation. Mais insuffisante en été, au risque d’accélérer le déclin de la production laitière des juments et d’exagérer la sous-alimentation des jeunes poulains. La jeune herbe de printemps peut être problématique à plusieurs niveaux. Son excès d’azote peu élaboré (non protéique) associé à des déséquilibres minéraux (excès de potassium, carences en magnésium et en sodium) et une absence de structure fibreuse (cellulose) réduisant la mastication, peuvent entraîner des diarrhées de « mise à l’herbe ». Ces dernières sont à l’origine de fortes fuites fécales de sodium et d’oligo-éléments (notamment de cuivre). Sa richesse en fructanes, sucres complexes composés d’unités de fructose, qui ne sont pas digérés dans l’intestin grêle (pas d’enzymes adaptées) mais sont fermentés dans le gros intestin. Ils entraînent la production d’acides gras volatils et d’acide lactique en quantités importantes. Les conséquences peuvent alors être les mêmes qu’avec un excès d’amidon qui arriverait dans le gros intestin (diarrhée, amaigrissement, fourbure, etc.).
Il n’est ainsi pas étonnant que dans les régions où la jeune herbe est très riche en tous ces éléments (ex : vallée du Pays d’Auge), les chevaux perdent de l’état à la mise à l’herbe. Il est donc fortement conseillé de continuer de mettre à disposition du foin à volonté au début du printemps même si le tapis d’herbe semble fourni et luxuriant. Cette pratique permettra aux chevaux de couvrir leurs besoins en fibres sans se surcharger par ailleurs en azote, en fructanes ou en potassium par exemple.
À l’inverse, l’herbe trop âgée est riche en fibres insolubles, donc peu digestible, tandis qu’elle s’est grandement appauvrie en protéines, phosphore, oligo-éléments, carotènes, etc.
Même au stade le plus souhaitable (montaison des graminées, formation des boutons floraux pour les légumineuses), la composition de l’herbe reste tributaire de sa nature botanique, du climat et de la richesse du sol. Mais de façon systématique, elle apparaît déficitaire au moins en sodium, zinc, cuivre, sinon en iode et en sélénium. Dès lors, il ne faut pas s’étonner des fréquentes altérations de la fécondité des juments ou du développement osseux des poulains, etc.
L'amidon, essentiel pour le cheval athlète
L’amidon est la molécule de réserve énergétique chez les végétaux supérieurs, stockée dans les organes de réserves (graines, racines, tubercules, rhizomes et certains fruits) et qui leur permet de survivre durant la mauvaise saison. Il s’agit d’une des ressources caloriques principales pour l’espèce humaine (céréales, etc). C’est également la première source énergétique du cheval à l’effort.
Quelle est l’importance de l’amidon dans l'alimentation du cheval ?
L’amidon est une source énergétique polyvalente pour le cheval athlète. Il est transformé en glucose dans l’intestin grêle, qui va ensuite passer dans le sang. Le glucose peut alors être directement oxydé par le cheval afin de produire de l’énergie pour l’effort ou bien stocké sous forme de glycogène musculaire et hépatique ou aussi de lipides (c’est la couche graisseuse sous la peau !). Une fois stocké dans le foie, le glycogène est disponible pour produire du glucose libéré dans le sang durant le travail. Le glucose est fondamental pour l’organisme du cheval, car c’est le seul carburant disponible pour le système nerveux central.
Quelles sources d’amidon pour le cheval ?
Bien que tous les amidons soient constitués de chaines de glucose, la façon dont la molécule d’amidon est construite est très différente d’une céréale à l’autre. Cette différence dans l’architecture des différents types d’amidon a un impact majeur sur la manière dont cet amidon est digéré dans l’intestin grêle des chevaux.
Parmi les céréales les plus couramment utilisées, l’avoine contient la forme d’amidon la plus digeste pour le cheval, suivie de près par le blé, puis viennent l’orge et le maïs.
Qu’est ce que le floconnage ?
L’amidon utilisé dans l'alimentation du cheval est transformé par traitement de la céréale utilisée pour augmenter la digestibilité de l’amidon, selon plusieurs méthodes possibles :
- Traitement mécanique : broyage, aplatissage, concassage
- Traitement thermique dans des conditions de chaleur sèche : toastage, expansion, extrusion.
- Traitement thermomécaniques dans des conditions de chaleur humide : c’est le floconnage ou la granulation
Ces traitements sont surtout intéressants pour les céréales possédant les amidons les moins digestes (maïs et orge). Le floconnage, très utilisé dans l’alimentation du cheval, correspond à un aplatissage et une cuisson à la vapeur des céréales entraînant une hydratation et une prédigestion partielle de l’amidon (qu’on appelle gélatinisation). Dans le cas de l’amidon de maïs, le floconnage augmente significativement sa digestibilité.
L'utilité ciblée des matières grasses dans l'alimentation du cheval
Les lipides sont insolubles dans l’eau mais solubles dans les solvants organiques. On en distingue deux groupes principaux : les acides gras saturés, qui sont surtout présents dans les graisses solides (beurre, saindoux, etc.), et les acides gras insaturés, qui sont généralement constitutifs des huiles.
Quel intérêt nutritionnel des matières grasses pour le cheval ?
Les matières grasses représentent une source énergétique moins polyvalente que l’amidon. Elles peuvent seulement être oxydées par voie aérobie pour produire de l’énergie, ou stockées sous forme de graisses corporelles (surtout les acides gras saturés). En effet, les acides gras ne peuvent être convertis en glucose ou utilisés pour synthétiser du glycogène. Malgré tout, l’apport de matières grasses est intéressant chez les chevaux souffrant de troubles du comportement, myopathies chroniques, ulcères gastriques, syndrome de Cushing, syndrome métabolique équin et fourbure.
Les lipides sont très riches en énergie. Ainsi, ils permettent d’augmenter la densité énergétique de la ration et donc de fournir suffisamment d’énergie dans un volume alimentaire restreint. En effet, 1 L d’huile végétale correspond à environ 3 kg d’orge d’un point de vue énergétique.
L’utilisation de lipides dans la ration alimentaire du cheval permet d’épargner en partie le glycogène musculaire, pour retarder l’apparition de la fatigue, et de diminuer la production de chaleur dans les cellules musculaires car la conversion de l’huile en énergie mécanique est plus efficace que celle des glucides.
Les lipides représentent donc une source énergétique intéressante pour les chevaux effectuant des efforts prolongés par temps chaud et humide tels les raids d’endurance. Malgré tout, il est important d’apporter une quantité suffisante d’amidon dans la ration alimentaires des chevaux, pas seulement de lipides, même pour ceux effectuant des efforts de longue distance, au risque de les exposer à un épuisement précoce des réserves en glycogène musculaire.
Des sources d'oméga-3 et d'oméga-6
Tout comme certains acides aminés, les oméga-3 et oméga-6 ne peuvent être synthétisés par l’organisme, d’où leur nom d’acides gras « essentiels ». Composants structuraux essentiels des membranes cellulaires, ils conditionnent la perméabilité et les qualités fonctionnelles des membranes biologiques. Leur transformation au sein de l’organisme aboutit à des produits terminaux, les prostaglandines, aux propriétés plus ou moins bénéfiques : pour les unes anti-inflammatoires, immunostimulantes et hypocholestérolémiantes et pour d’autres pro-coagulantes, pro-inflammatoires, pro-allergiques et immuno-dépressives.
Quelles sources de lipides choisir ?
À l’inverse des fourrages verts (herbe et luzerne) qui contiennent environ deux fois plus d’oméga-3 que d’oméga-6, les céréales sont excédentaires en oméga-6. Par conséquent, il est important de restaurer dans l'alimentation du cheval un rapport oméga-3 / oméga-6 favorable à la bonne santé de l’organisme (supérieur ou égal à 1).
La nécessité d'une couverture anti-oxydante (par la vitamine E)
L’apport de lipides dans la ration alimentaire du cheval nécessite des besoins supérieurs en anti-oxydants, notamment en vitamine E, même si cette vitamine liposoluble est déjà en partie présente dans les huiles végétales. En effet, la vitamine E fonctionne comme un anti-oxydant membranaire. Elle piège les radicaux libres peroxydes produits par l’oxydation des acides gras insaturés à la suite d’un stress oxydatif.
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Les protéines dans l'alimentation du cheval
Les protéines sont des macromolécules riches en azote (N), composées d’une ou plusieurs chaînes d’acides aminés.
L’intérêt nutritionnel des protéines pour le cheval
Les protéines représentent 17 à 19 % du poids du cheval sachant qu’un peu plus de la moitié sont répartie dans la masse musculaire. Les protéines de l’organisme sont en permanence dégradées et remplacées, par conséquent, la distribution journalière d’une ration alimentaire correctement pourvue en protéines s’impose. Cela est d’autant plus vrai que contrairement aux lipides, les protéines excédentaires à tout instant ne peuvent être stockées dans des tissus spécialisés, à la différence du glucose, pour être remobilisées plus tard. De surcroît, à l’inverse des ruminants, le cheval ne peut pratiquement pas compter sur une éventuelle production d’acides aminés par sa flore microbienne digestive.
La couverture des besoins est donc primordiale, surtout aux stades de la vie du cheval où la synthèse protéique est accrue : poulain en croissance augmentant sa masse corporelle, poulinière gestante qui doit produire un lait riche en protéines, cheval athlète pour qui les séances de travail répétées entraînent un développement de sa masse musculaire. Le cheval n’est pas capable de synthétiser à une vitesse suffisante les 9 acides aminés nécessaires à son fonctionnement musculaire, en particulier la lysine.
Quelles sources protéiques choisir ?
De nombreuses sources protéiques sont utilisées dans l’alimentation du cheval : luzerne, protéines lactées, tourteaux issus de l’extraction d’huiles (soja, colza, etc) ou encore sous-produits médiocres (son, remoulages, gluten de maïs, drèches, etc.). Néanmoins, les céréales étant relativement dépourvues de lysine, les sources protéiques utilisées doivent être de haute qualité si l’on veut compenser la déficience des céréales. De plus, les protéines à haute valeur nutritionnelle permettent de limiter la production de déchets azotés préjudiciables pour l’organisme du cheval.